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LIVRE TROISIÈME.


l’exercice[1], soit à l’absence ou à la présence de certaines dispositions du corps qui peuvent avoir ou non de l’influence sur la mémoire ou y porter le trouble[2]. Mais nous reviendrons ailleurs sur cette question.

XXX. Que dirons-nous des conceptions intellectuelles (διανοήσεις) ? Admettrons-nous qu’elles soient aussi conservées par l’imagination ?

Si l’imagination accompagne toute pensée (νόησις), si ensuite elle en conserve en quelque sorte l’image, il y aura ainsi souvenir de l’objet connu ; sinon, il faut chercher une autre solution. Peut-être la raison (λόγος), dont l’acte accompagne toujours la pensée, a-t-elle la fonction de la recevoir et de la transmettre à l’imagination[3]. En effet, la pensée est indivisible, et, tant qu’elle n’est pas tirée des profondeurs de l’intelligence, elle reste en quelque sorte cachée dans son sein. La raison la développe, et, la faisant passer de l’état de pensée à celui d’image, l’étale pour ainsi dire dans notre imagination comme dans un miroir[4] ; c’est

  1. « Du reste, l’exercice et l’étude conservent la mémoire en la forçant de se ressouvenir ; et cet exercice n’est pas autre chose que de considérer fréquemment la représentation de l’esprit, en tant qu’elle est une copie, et non pas en elle-même. » (Aristote, ibid., 1 ; tr. fr., p. 120.)
  2. « Ceux qui sont trop jeunes et ceux qui sont trop vieux sont sans mémoire, à cause du mouvement dont ils sont agités ; ils sont tout absorbés les uns par le développement qui se fait en eux, les autres par le dépérissement qui les emporte, etc. » (Aristote, ibid., 2, tr. fr. p. 136.)
  3. Voy. les Éclaircissements du tome I sur la raison discursive, p. 326, 341 ; et sur l’imagination intellectuelle, p. 339-341.
  4. Plotin reproduit ici la théorie de l’imagination intellectuelle qu’il a développée dans l’Ennéade l (liv. iv, § 10 ; t. I, p. 84). Il s’y est inspiré d’Aristote : « Antérieurement, nous avons parlé de l’imagination dans le traité De l’Âme, et nous avons dit qu’on ne peut penser sans images. Le phénomène qui se passe dans l’acte de l’entendement est absolument le même que pour le tracé d’une figure géométrique qu’on démontre. Ainsi, quand nous traçons une figure, bien que nous n’ayons aucun besoin de savoir précisément la