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LIVRE QUATRIÈME.


donc une comme l’Âme elle-même. Le principe unique qui gouverne le monde domine toujours et n’est jamais dominé : sinon, il y aurait plusieurs puissances qui lutteraient entre elles. Le principe qui administre l’univers est donc un et a toujours la même volonté. Pourquoi désirerait-il tantôt une chose, tantôt une autre, et serait-il ainsi incertain ? Étant un, même s’il changeait d’état, il ne saurait être incertain. Si l’univers renferme une foule de parties et d’espèces opposées les unes aux autres, ce n’est pas une raison pour que l’Âme ne sache pas certainement de quelle façon elle doit les disposer[1]. Elle ne commence pas par les objets qui sont placés au dernier rang ni par les parties, mais par les principes. En partant des principes, elle arrive par une voie tacite à pénétrer et à ordonner tout. Elle domine parce qu’elle reste identique dans une fonction une et identique. Par quoi pourrait-elle être amenée à vouloir d’abord une chose, puis une autre ? D’ailleurs, dans une pareille disposition, elle hésiterait sur ce qu’elle doit faire, et l’énergie de son action en serait affaiblie parce que raisonner implique toujours quelque hésitation dans l’exécution.

XI. Le monde est administré comme un animal[2] ; mais, dans cet animal, il y a des choses qui proviennent de l’extérieur et des parties, d’autres, de l’intérieur et du principe. L’art du médecin va de l’extérieur à l’intérieur, s’attache à un organe et n’opère qu’avec hésitation et avec des tâtonnements. La Nature, partant du principe, n’a pas besoin de délibérer. La puissance qui administre l’univers procède, non comme le médecin, mais comme la Nature. Elle conserve d’autant mieux sa simplicité qu’elle renferme toutes choses en son sein, que toutes choses sont les parties de l’animal qui est un. En effet, la Nature, qui est une, domine toutes les natures particulières : celles-ci en procèdent,

  1. Voy. ci-dessus, p. 60-83.
  2. Voy. Enn. II, liv. III, § 13 ; t. I, p. 182.