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QUATRIÈME ENNÉADE.


vestige dont l’essence est la même que celle de la concupiscence, c’est que ceux qui recherchent moins les objets agréables au corps, qui méprisent même le corps, sont moins portés à s’abandonner aux aveugles transports de la colère. Si les végétaux ne possèdent pas l’appétit irascible, quoiqu’ils aient la puissance végétative, c’est qu’ils n’ont ni sang ni bile. Ce sont ces deux choses qui, en l’absence de la sensation, rendent l’être capable de bouillir d’indignation ; en s’y joignant, la sensation produit en lui un élan qui le porte à combattre l’objet nuisible. Si l’on divisait en Concupiscence et en Colère la partie irraisonnable de l’âme, que l’on regardât la première comme la puissance végétative, et l’autre, au contraire, comme un vestige de la puissance végétative, vestige résidant soit dans le cœur, soit dans le sang, soit dans tous les deux, on n’aurait pas de membres opposés dans cette division, parce que le second procéderait du premier[1]. Mais rien n’empêche de regarder les deux membres de cette division, la Concupiscence et la Colère, comme deux puissances dérivées d’un même principe [la puissance végétative]. En effet, quand on divise les Appétits (τὰ ὀρεϰτιϰὰ), on considère leur nature et non l’essence dont ils dépendent. Cette essence en elle-

    tume : d’où il résulte que la puissance naturelle des pensées, venant de l’intelligence et allant se réfléchir en lui comme dans un miroir qui reçoit les empreintes des objets et qui en offre aux yeux les images, peut effrayer cette partie de l’âme, lorsque cette puissance, se présentant sévère et menaçante, se sert de la partie amère du foie, la mêle subtilement dans le foie entier, de manière à produire des couleurs bilieuses, le resserre lui-même et le rend tout rude et tout ridé, et que, d’une part courbant le grand lobe hors de sa position droite et le contractant, de l’autre obstruant et fermant les réservoirs et les portes du foie, elle cause ainsi des impressions de douleur et de dégoût. » (Timée, p. 71 ; trad. de M. H. Martin. p. 191.)

  1. Voy. dans les Éclaircissements du tome I (p. 470. note 2) le résumé de la doctrine de Platon sur ce point.