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QUATRIÈME ENNÉADE.


que les effets conformes à leur nature. Un objet attire le regard s’il est configuré de telle manière et ne l’attire pas s’il est configuré de telle autre. C’est la beauté qui émeut [dira-t-on]. Nous demanderons alors pourquoi ce bel objet émeut un homme et cet autre objet un autre homme, si la différence de figure n’a aucune puissance ? Comment admettre que les couleurs ont une influence et une action propre, et ne pas accorder la même vertu aux figures ? Il est absurde de reconnaître qu’une chose existe et de lui refuser toute puissance. Tout être, par cela qu’il est, doit agir ou pâtir. Les uns agissent seulement, les autres agissent et pâtissent. Il y a dans les substances des vertus indépendantes des figures. Il y a aussi dans les êtres d’ici-bas beaucoup de forces qui ne dérivent ni de la chaleur, ni du froid. C’est que ces êtres sont doués de qualités différentes, qu’ils reçoivent leur forme de raisons [séminales], qu’ils participent à la puissance de la Nature : telles sont les vertus propres à la nature des pierres, et les effets étonnants produits par les plantes[1].

XXXVI. L’univers est plein de variété ; il contient toutes les raisons et un nombre infini de puissances diverses, comme, dans le corps de l’homme, l’œil, les os et les autres organes ont chacun leur puissance propre : ainsi, l’os de la main n’a pas la même force que celui du pied, et, en général, chaque partie à une puissance différente de la puissance que possède toute autre partie. Mais cette diversité nous échappe dans ces objets si nous ne l’examinons pas attentivement. À plus forte raison nous échappe-t-elle dans le monde : car les forces que nous y voyons sont les vestiges de celles qui existent dans la région supérieure. Il doit donc y avoir dans le monde une inconcevable et admirable

  1. On sait qu’il a été composé dans l’antiquité beaucoup d’ouvrages sur les vertus des pierres et des plantes, principalement des ouvrages apocryphes attribués à Orphée ou à Hermès.