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QUATRIÈME ENNÉADE.


par le milieu, puisqu’elle est déjà éprouvée par l’œil, dont la fonction consiste précisément à être affecté par la couleur ; ou du moins, si le milieu est affecté, c’est d’une autre manière que l’œil. En effet, le roseau interposé entre la main et le poisson nommé torpille n’éprouve pas la même affection que la main ; cependant, la main ne serait pas affectée, si le roseau ne se trouvait interposé entre elle et le poisson[1]. Le fait d’ailleurs donne lieu à examen : car si le pêcheur était dans le filet, il ressentirait encore de la torpeur. Cette question paraît se rapporter aux affections sympathiques (συμπαθείαι). Si tel être peut en vertu de sa nature être affecté sympathiquement par tel autre être, il ne s’en suit pas que le milieu, s’il est différent, partage l’affection ; tout au moins, il n’est pas affecté de la même manière. En ce cas, l’organe destiné à éprouver l’affection l’éprouve bien mieux quand il n’y a pas de milieu, lors même que le milieu est lui-même susceptible d’éprouver quelque affection.

II. Si [comme l’enseigne Platon] la vision suppose l’union de la lumière de l’œil avec la lumière interposée jusqu’à l’objet sensible[2], le milieu interposé est la

    dont le texte paraît corrompu, nous lisons avec M. Kirchhoff : σημεῖον δὲ τὸ, εἰ καὶ ἔπροσθέν τις ἡμῶν ἔσται πρὸς τὸ χρῶμα βλέπων, κὰκεῖνον ὁρᾷν, πάθους ἐν τῷ μεταξὺ μὴ γενομένου οὐδ’ ἂν εἰς ἡμᾶς τοῦτο ἀφιϰνοῖτο. Voy. la même idée ci-après, p. 415, lignes 14-17.

  1. C’est une idée empruntée à Platon, Ménon, p. 80. Chalcidius, dans son Commentaire sur le Timée (p. 331), a reproduit, en la développant, cette phrase de Plotin : « Sentire porro mentem putant, perinde ut eam pepulerit spiritus, qui id, quod ipse patitur ex visibilium specierum concretione, mentis intimis tradit. Porrectus siquidem et veluti patefactus, candida esse denuntiat quæ videntur ; confusus porro et confæcatior, atra et tenebrosa significat ; similisque ejus passio est eorum qui marini piscis contagione torpent, siquidem per linum et arundinem perque manus serpat virus illud penetretque intimum sensum. »
  2. Plotin définit ici la συναύγεια platonicienne : « Lorsque la lumière du jour