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LIVRE CINQUIÈME.


autre d’une manière, si celui-ci est affecté par celui-là d’une autre manière, il n’y a pas toujours besoin d’un milieu. Si l’on prétend qu’il est besoin d’un milieu pour la vision, il faut en dire la cause : car ce qui traverse l’air ne l’affecte pas toujours et se borne souvent à le diviser. Ainsi, quand une pierre tombe, la seule chose qui arrive à l’air, c’est de ne pas soutenir la pierre : car, puisqu’il est dans la nature de la pierre de tomber, il n’est pas raisonnable de dire qu’elle tombe par la réaction qu’exerce l’air ambiant ; sinon, il faudrait dire que c’est la réaction de l’air ambiant qui fait monter le feu, ce qui est absurde, parce que le feu, par la rapidité de son mouvement, prévient cette réaction. Si l’on dit que la réaction est accélérée par la rapidité même du mouvement, cela arrive par accident et n’a pas de rapport avec l’impulsion de bas en haut : car les arbres croissent par le haut sans recevoir d’impulsion. Nous-mêmes, en marchant, nous divisons l’air, sans que la réaction de l’air nous pousse : l’air qui est derrière nous se borne à remplir le vide que nous avons fait. Si donc l’air se laisse diviser par les corps sans en être affecté, qui empêche qu’il laisse arriver les images à l’œil sans être divisé ?

Si ces images ne nous arrivent pas par une espèce d’écoulement (ῥοῇ), pourquoi l’air serait-il affecté et pourquoi ne serions-nous affectés nous-mêmes que par suite de l’affection que l’air aurait éprouvée ? Si nous ne sentions que parce que l’air serait affecté avant nous, nous rapporterions la sensation de la vue, non à l’objet visible, mais à l’air placé près de nous, comme cela a lieu pour la chaleur. Dans ce cas, ce n’est pas le feu éloigné, c’est l’air placé près de nous qui, étant échauffé, nous échauffe nous-mêmes : car la sensation de la chaleur suppose contact, ce qui n’a pas lieu pour la vue. Si l’on voit, ce n’est pas parce que l’objet sensible est placé sur l’œil [mais parce que le milieu est éclairé] ; or il est nécessaire que le milieu soit éclairé parce que l’air est ténébreux par lui-même. L’air