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LIVRE SIXIÈME.


tandis qu’elle voit l’intelligence comme une de telle sorte que les deux choses ne fassent qu’une, c’est une question que nous traiterons ailleurs[1].

2. De la Mémoire.

III. Il nous reste maintenant à parler de la mémoire. Commençons par dire que nous attribuons à l’âme une puissance qui n’est pas étonnante, ou qui est étonnante si l’on veut, mais qui n’est pas incroyable : elle consiste en ce que l’âme, sans rien recevoir, perçoit cependant les choses qu’elle n’a pas[2]. C’est que l’âme est par sa nature la raison de toutes choses (λόγος πάντων), la raison dernière des choses intelligibles, la raison première des choses sensibles[3]. Aussi a-t-elle des relations avec toutes les deux ; elle est améliorée et vivifiée par les choses intelligibles ; mais elle est trompée par la ressemblance qu’ont les choses sensibles avec les choses intelligibles, et elle descend ici-bas comme entraînée par le charme qui la séduit[4]. Elle connaît donc également les choses intelligibles et les choses sensibles Parce qu’elle occupe une position intermédiaire entre elles. On dit qu’elle pense les choses intelligibles quand elle se les rappelle en s’y appliquant[5]. Elle les connaît parce qu’elle est

    miro modo relabens foras se nostra projecit intentio, ut quum ab incerto corporum ablata fuerit ut in spiritum multo certiore ac stabiliore cognitione figatur, refugiat ad ista, etc. » (S. Augustin. De Trinitate, XI, 1.)

  1. Voy. Enn. V, liv. III.
  2. Voy. ci-dessus, p. 324, note 2.
  3. Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § XXIV, t. I, p. LXVI.
  4. Voy. ci-dessus, p. 289.
  5. Le P. Thomassin cite ce passage et le commente en ces termes : « Plotinus hanc animæ stationem mediam describit inter æterna et temporalia, intelligibilia et sensibilia, illis adhærescentem, ad hæc usque se porrigentem ; ita ut intelligibilia vel in ipsis vel in se ipsa intelligere et conspicere possit ; et ipsa enim intelligibilium naturarum ultima est, seque conspiciendo potest nonnullam