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QUATRIÈME ENNÉADE.


[13° L’âme pénètre le corps tout entier, tandis qu’un corps tout entier ne peut pénétrer un autre corps tout entier.]

Ensuite, si l’âme est corporelle et qu’elle pénètre tout le corps, elle formera avec lui un mixte[1] semblable aux autres corps [qui sont constitués par la mixtion de la matière et de la qualité[2]].

Or, comme nul des corps qui entrent dans une mixtion n’est en acte[3], l’âme, au lieu d’être en acte dans les corps, n’y serait plus qu’en puissance ; par conséquent, elle cesserait d’être âme, comme le doux cesse d’être doux quand il est mêlé à l’amer ; nous n’aurions donc plus d’âme. Si, quand un corps forme un mixte avec un autre corps, il le pénètre totalement, de telle sorte que chaque molécule renferme des parties égales des deux corps et que chaque corps soit répandu dans tout l’espace occupé par la masse de l’autre sans qu’il y ait augmentation de volume, il ne restera rien qui ne soit divisé[4]. En effet, la mixtion ne s’opère pas seulement entre les grosses parties (ce ne serait alors qu’une simple juxtaposition) ; il faut qu’un corps pénètre l’autre tout entier, fût-il plus petit (sans doute il est impossible que le plus petit soit l’égal du grand ; cependant, il doit, en le pénétrant, le diviser tout entier). Si

    l’âme, si l’âme n’est autre chose que le sang. Il vaut mieux dire ceci : Si l’âme est ce dont la perte entraîne la mort de l’animal, assurément la pituite et les deux sortes de bile constituent aussi l’âme : car la perte de ces choses entraîne la mort de l’animal. » (Némésius, De La Nature de l’homme, chap. II ; p. 32 de la trad. de M. Thibault.)

  1. Cette argumentation de Plotin contre la doctrine des Stoïciens sur la mixtion de l’âme et du corps est empruntée à Alexandre d’Aphrodisie. Voy. M. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. II, p. 296-299.
  2. La théorie générale des Stoïciens sur la mixtion est exposée dans le livre VII de l’Ennéade II. Voy. aussi t. I, p. CXXX, note 2.
  3. Voy. t. I, p. 244, note 1.
  4. Voy. t. I, p. 243-245.