Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/508

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
458
QUATRIÈME ENNÉADE.


que le froid l’a rendu plus subtil[1], c’est avancer une hypothèse absurde. Beaucoup d’animaux naissent dans des endroits chauds, et n’ont pas leur âme soumise à l’action du froid. Dans cette hypothèse, on fait dépendre la première nature de l’âme du concours des circonstances extérieures. On pose donc comme principe ce qui est moins parfait [l’âme], et l’on regarde même comme antérieure [à l’âme] une chose moins parfaite encore, qu’on appelle habitude (ἕξις)[2]. L’intelligence se trouve ainsi placée au

  1. ἐν ψυχρῷ γενομένην ϰαὶ στομωθεῖσαν ψυχὴν γέγνεσθαι, λεπτοτέραν ἐν ψυχρῷ γενομένην. « Chrysippe pense que l’enfant est nourri dans le sein de sa mère par une nature (φύσις), comme une plante, mais qu’au moment où il naît, il change et devient un animal, parce que son esprit est refroidi et trempé par l’air ; de là vient que cet esprit a reçu avec raison le nom d’âme, ψυχή, à cause de son refroidissement, παρὰ τὴν ψύξιν. » (Plutarque, De Stoicorum repugnantib., p. 1052.) Il y a là un jeu de mots qu’on ne peut rendre en français : il roule sur l’étymologie du mot âme, que les Stoïciens dérivaient de ψῦχος, froid. Cette théorie a été aussi professée par quelques hérétiques, tels que Vincentius Victor, que saint Augustin cite en ces termes : « De hac enim [anima] loquebaris, quum diceres : « Et gelante substantia quæ comprehendi non poterat, efficeret corpus aliud intra corpus naturæ suæ vi et spiramine conglobatum, exindeque inciperet homo interior apparere, quem veluti in forma vaginæ corporalis inclusum ad similitudinem sui delineavit exterioris hominis habitudo. » Post hæc incipiens loqui de spiritu : « Hæc, inquis, anima, quæ ex flatu Dei haberet originem, sine sensu intimo atque intellectu intime esse non potuit, quod est spiritus. » Sicut ergo video, interiorem hominem vis esse animam ; intimum, spiritum ; tanquam et ipse interior sit animæ, sicut illa corpori. » (De Anima et ejus origine, IV, 14.)
  2. Selon les Stoïciens, l’homme est d’abord une plante dans le sein de sa mère ; il devient ensuite un animal au moment de sa naissance, enfin un homme à l’âge de raison ; par conséquent, l’esprit igné et intelligent qui nous donne la vie est d’abord habitude ou nature (t. I, p. 221, note 3) ; il devient ensuite âme, enfin intelligence ou raison. Dieu lui-même se transforme avec le monde. Selon Plotin, au contraire. si l’on