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QUATRIÈME ENNÉADE.


rieures et qu’il arrive à une condition moins heureuse, on dit qu’il porte la peine de sa conduite. D’ailleurs, comme c’est par une loi éternelle de la nature que cet être agit et pâtit de cette manière, on peut, sans se contredire ni s’éloigner de la vérité, avancer que l’être qui descend de son rang pour assister une chose inférieure est envoyé par Dieu[1]. On peut en effet rapporter au principe d’un être sa partie inférieure elle-même, malgré le nombre des parties intermédiaires [qui la séparent du principe][2].

Il y a ici pour l’âme deux fautes possibles : la première consiste dans le motif qui la détermine à descendre ; la seconde, dans le mal qu’elle commet quand elle est descendue ici-bas. La première faute est expiée par l’état même où s’est trouvée l’âme en descendant ici-bas. La punition de la seconde faute, quand elle est légère, c’est de passer dans d’autres corps plus ou moins promptement d’après le jugement porté sur ce qu’elle mérite (on dit jugement, pour montrer que c’est la conséquence de la loi divine) ; mais, quand l’âme a une perversité qui dépasse toute mesure, elle subit, sous la garde des démons préposés à son châtiment, les peines sévères qu’elle a encourues.

Ainsi, quoique l’âme ait une essence divine, qu’elle soit originaire du monde intelligible, elle entre dans un corps. Étant un dieu inférieur, elle descend ici-bas par une inclination volontaire, dans le but de développer sa puissance et d’orner ce qui est au-dessous d’elle. Si elle fuit promptement d’ici-bas, elle n’a pas à regretter d’avoir pris connaissance du mal et de savoir quelle est la nature du vice [sans s’y être livrée], ni d’avoir eu l’occasion de manifester ses facultés et de faire voir ses actes et ses œuvres. En effet, les facultés de l’âme seraient inutiles si elles sommeillaient toujours dans l’essence incorporelle sans passer

  1. Voy. ci-dessus, p. 290-292.
  2. Pour le sens de cette phrase, Voy. le tome I, p. 262, note 2.