Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/547

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
497
LIVRE NEUVIÈME.


le Tout reste sourd à une multitude d’impressions éprouvées par les parties d’un seul et même organisme, et cela d’autant plus que le corps est plus gros. C’est ce qui arrive, par exemple, à ces énormes cétacés qui ne ressentent nullement l’impression reçue dans une partie de leur corps à cause de l’exiguïté du mouvement.

Il n’est donc pas nécessaire que, quand un membre de l’univers éprouve une affection, celle-ci soit ressentie nettement par le Tout. Qu’il y ait sympathie, cela est naturel et on ne saurait le méconnaître ; mais il n’en résulte pas qu’il y ait identité de sensation. Il n’est pas non plus absurde que nos âmes, tout en n’en faisant qu’une, soient cependant l’une vertueuse, l’autre vicieuse, comme il n’est pas impossible que la même essence soit en moi en mouvement, et en vous en repos. En effet, l’unité que nous attribuons à l’Âme universelle n’exclut pas toute multiplicité, comme l’unité qui est propre à l’Intelligence ; mais nous disons que l’Âme est à la fois unité et pluralité (μία ϰαὶ πλῆθος), qu’elle ne participe pas seulement de l’essence divisible dans les corps, mais encore de l’essence indivisible, qu’elle est une par conséquent[1]. Or, de même que l’impression éprouvée par une de mes parties n’est pas nécessairement ressentie par tout mon corps, tandis que ce qui arrive à l’organe principal est ressenti par les autres parties ; de même, les impressions que l’univers communique à l’individu sont plus nettes, parce que les parties éprouvent ordinairement les mêmes affections que le Tout, tandis qu’il n’est pas évident que les affections particulières que nous ressentons soient éprouvées aussi par le Tout.

III. D’un autre côté, l’observation nous apprend que nous sympathisons les uns avec les autres, que nous ne pouvons voir la souffrance d’un autre homme sans la partager, que

  1. Voy. ci-dessus, p. 260.