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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


procède de l’Intelligence divine, et il y a autant d’idées ou de raisons qu’il y a d’individus appelés à vivre ici-bas, ce qui explique l’origine des formes individuelles[1] ; la matière est née de l’infinité de l’Un[2] et elle ne constitue point une substance dont l’existence soit indépendante de Dieu, comme l’existence de la matière l’est dans Platon[3]. Par suite, le mal n’est qu’une simple négation, un défaut de bien, défaut qui est la conséquence même de la création[4]. C’est principalement cette question du mal que Plotin s’applique à résoudre dans le livre que nous examinons, et, sur ce point, il nous paraît être incontestablement supérieur à son maître.

B. Aristote.

Plotin, comme nous l’avons indiqué ci-dessus (p. 28, note 8), fait allusion à un passage célèbre du livre XII de la Métaphysique d’Aristote : « Tel est le principe auquel sont suspendus le ciel et toute la nature, etc. » (Voy. les Éclaircissements du tome I, p. 450-451.) Il paraît d’ailleurs avoir peu emprunté à ce philosophe sur le sujet qui nous occupe. La raison en est facile à concevoir. On ne peut appliquer proprement le nom de Providence au Dieu d’Aristote, puisqu’il n’est que la cause finale de l’univers. C’est là du moins l’opinion que M. J. Simon a développée avec autant de clarté que de force dans ses Études sur la Théodicée de Platon et d’Aristote, où il s’exprime en ces termes (p. 87) :

« Telle est la nature de la doctrine de Platon, que le monde ne peut exister sans un Dieu qui agit sur lui à titre de force ; dans celle d’Aristote, ait contraire, le monde n’a besoin que d’une cause finale. Platon démontre, en conséquence, l’existence de Dieu par la nécessité d’un artisan suprême ; Aristote, par la nécessité d’une fin dernière. Le Dieu de Platon et celui d’Aristote sont parfaits, parce qu’ils ont la plénitude de l’être. Ils sont éternels, intelligents, heureux, parce qu’ils sont parfaits. Mais l’intelligence du Dieu de Platon s’étend à tout ce qui existe : car il faut connaître le monde pour agir volontairement sur lui ; l’intelligence du Dieu d’Aristote n’a pas d’autre objet que lui-même : car il doit ignorer des êtres pour lesquels il ne peut rien ; et, tandis que le Dieu de Platon aime le monde et se réjouit de l’excellence de son œuvre, le bonheur du Dieu

  1. Voy. Enn. V, liv. VII. L’origine des formes individuelles est un des points obscurs du système de Platon. Voy. M. J. Simon, Études sur la Théodicée de Platon et d’Aristote, p. 81.
  2. Voy. notre tome I, p. 220-221.
  3. Voy. t. I, p. 429-430, 481-483.
  4. Voy. ci-dessus, p. 34.