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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

Il ressort de toute cette polémique que Plotin professe et démontre la causalité, la personnalité et la liberté de l’âme humaine avec autant de force et de précision que les philosophes qui ont le mieux approfondi cette question. Nous verrons encore plus loin qu’il a également combattu le panthéisme des nouveaux Pythagoriciens.

2. Rapprochement entre Plotin, Chrysippe, Épictète, Marc-Aurèle.

Si nous cherchons maintenant quels sont, parmi les Stoïciens, ceux que Plotin paraît avoir suivis ou combattus en composant ses traités sur le Destin et la Providence, nous croyons pouvoir désigner Chrysippe, Épictète et Marc-Aurèle. Nous avons déjà cité le second dans les notes, p. 42, 59, 67, et le troisième, p. 45, 46, 63, 65, 70. Quant au premier, nous rappellerons qu’il avait composé un traité très important sur la Providence, dont Aulu-Gelle nous a conservé les fragments suivants :

« Ceux qui nient que le monde soit fait pour Dieu et pour les hommes, et que les choses humaines soient gouvernées par une Providence, croient avancer une forte preuve à l’appui de leur opinion, quand ils disent : S’il y avait une Providence, il n’y aurait pas de mal sur la terre : car rien n’est plus difficile à accorder avec l’action d’une Providence que ce nombre infini de misères et de souffrances répandues dans le monde qu’on dit créé par Dieu exprès pour l’homme. Chrysippe, en réfutant cette doctrine dans le livre IV de son traité De la Providence, déclare qu’il n’est rien de plus absurde que de croire qu’il puisse exister du bien, sans qu’il existe en même temps du mal. Car le bien étant le contraire du mal, il est nécessaire qu’ils existent tous deux, opposés l’un à l’autre, et appuyés en quelque sorte sur leur mutuel contraste. Deux contraires en effet ne peuvent aller l’un sans l’autre : ainsi, comment aurions-nous l’idée de la justice, si nous n’avions celle de l’injustice ? Et qu’est-ce que la justice, sinon la privation de l’injustice ? De même, comment notre esprit concevrait-il le courage, sans la lâcheté ? La tempérance, sans l’intempérance ? La prudence, sans l’imprudence ? Ces gens à courte vue devraient demander aussi que la vérité existât seule dans le monde et qu’il n’y eût pas de mensonge. Ce ne serait pas plus absurde que de vouloir séparer le bien du mal, le bonheur du malheur, le plaisir de la souffrance. Ces choses vont nécessairement ensemble. Comme le dit Platon, l’un et l’autre se tiennent étroitement par leurs extrémités, de telle sorte qu’on ne peut supprimer le premier sans que le second disparaisse en même temps.

Chrysippe, dans le même livre, traite la question suivante, qui