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LIVRE PREMIER.


termination et l’exécute parce qu’elle y est poussée par les choses extérieures, qu’elle cède à un entraînement aveugle, sa détermination et son action ne doivent pas être regardées comme libres. L’âme n’est pas libre quand, se pervertissant elle-même, elle ne prend pas des déterminations qui la dirigent dans la droite voie. Au contraire, quand elle suit son guide propre, la raison pure et impassible, la détermination qu’elle prend est vraiment volontaire, libre, indépendante, l’action qu’elle fait est réellement son œuvre et non la conséquence d’une impulsion extérieure ; elle la tire de sa puissance intérieure, de son essence pure, du principe premier et souverain qui la dirige et qui n’est alors ni égaré par l’ignorance, ni vaincu par la violence des appétits[1] : car, lorsque les appétits envahissent l’âme et la subjuguent, ils l’entraînent par leur violence, et elle est plutôt passive qu’active dans ce qu’elle fait.

  1. S. Augustin a développé des idées analogues dans son traité Du Libre arbitre (I, 8) : « Hoc quidquid est, quo pecoribus homo præponitur, sive mens, sive spiritus, sive utrumque rectius appellatur (nam utrumque in libris divinis invenimus), si dominetur atque imperet ceteris quibus homo constat, tunc esse hominem ordinatissimum… Hisce igitur motibus [irrationalibus] quum ratio dominatur, ordinatus homo dicendus est. Non enim ordo rectus aut ordo appellandus est omnino, ubi deterioribus meliora subjiciuntur. » S. Augustin ajoute plus loin (I, 15) : « Libertas nulla vera est, nisi beatorum et legi divinæ adhærentium. » Cette assertion rappelle la maxime des Stoïciens : Solum sapientem esse liberum. (Cicéron, Paradoxes.)