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PORPHYRE.


Réfutation des Péripatéticiens.

V[1]. Quant à celui qui enseigne que l’âme est une entéléchie, et qu’étant elle-même complètement immobile, elle est cependant le principe des mouvements[2], qu’il explique d’où proviennent les extases (ἐνθουσιασμοι (enthousiasmoi))[3] de l’être vivant[4], quand il ne saisit plus rien de ce qu’il voit ni de ce qu’il dit, que son âme a l’intuition de l’avenir et de ce qui n’est pas présent, et qu’elle s’applique à l’identique [à l’intelligible][5] ; qu’il dise également d’où proviennent dans l’être vivant les délibérations, les réflexions et les volontés de l’âme. en tant qu’elle est l’âme de l’être vivant[6] : car ce sont là des mouvements de l’âme et non du corps[7].

VI. Comparer la nature de l’âme à la pesanteur ou aux qualités corporelles uniformes et immobiles[8], qualités qui modifient le sujet et déterminent sa nature, c’est le propre d’un homme qui volontairement ou involontairement ne comprend rien à la dignité de l’âme, qui ne voit point que le corps de l’être vivant n’est devenu vivant que par la présence de l’âme, comme c’est par la présence du feu près duquel elle se trouve placée que l’eau devient chaude, comme c’est par le lever du soleil qu’est illuminé l’air qui est naturellement obscur quand il n’est pas ainsi illuminé[9]. Mais la chaleur de l’eau n’est pas la chaleur du feu ni le feu lui-même ; la lumière qui se répand dans l’air n’est pas non plus la lumière propre à l’essence du soleil : de même, l’animation du corps (ἐμψυχία (empsuchia))[10], laquelle joue un rôle analogue à celui de la pesanteur et de la qualité qui réside dans le corps, n’est point l’âme qui est descendue dans le corps et de laquelle le corps reçoit une espèce de souffle vital[11].

  1. Eusèbe, Prép. évang., XV, 11.
  2. Voy. ci-après Jamblique, De l’Âme, § viii.
  3. Voy. ci-après, p. 640.
  4. C’est l’homme considéré comme composé d’une âme et d’un corps.
  5. Voy. le fragment d’Ammonius Saccas dans le tome I, p. xcvi. Voy. aussi Plotin, Enn. IV, liv. VII, § 8, p. 463.
  6. Viger propose à tort de retrancher ces mots que réclame la suite des idées.
  7. Voy. Plotin. Enn. IV, liv. VII, § 6, p. 445.
  8. Ibid. § 4, no 7, p. 442.
  9. Voy. Enn. IV, liv. IV, § 29, p. 377-379 ; liv. v, § 7, p. 423.
  10. « La puissance végétative présente dans tout le corps y fait pénétrer partout un vestige de l’âme. » (Enn. IV, liv. IV, § 28 ; t. II, p. 373.)
  11. Dans sa Paraphrase du Traité de l’Âme (fol. 70), Thémistius cite, en la combattant, cette théorie de Porphyre : Mais, dit-il, quand la mixtion du corps périt, l’âme ne périt pas avec elle ; la seule chose qui périsse, c’est l’animation que l’âme donne au corps, dont elle est séparable et auquel elle communique la vie par une espèce d’illumination, comme le soleil illumine l’air. Selon Thémisthus, l’âme est inséparable du corps et meurt avec lui.