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JAMBLIQUE.


B. L’autre espèce d’essence mathématique est le nombre. Quelques-uns des Pythagoriciens affirment simplement que « l’âme est un nombre[1] » ; Xénocrate ajoute : « qui se meut lui-même[2] » ; le pythagoricien Modératus : « qui renferme les raisons[3] » ; Hippasus, auditeur des Pythagoriciens : « qui est l’organe rationnel du Dieu créateur du monde (ϰριτιϰὸν ϰοσμουργοῦ θεοῦ ὄργανον (kritikon kosmourgou theou organon))[4]. »

Selon Aristote, Platon compose l’animal en soi [le monde intelligible] de l’idée de l’un, ainsi que des premières longueur, largeur et profondeur, et dit que l’unité est l’Intelligence, que le nombre deux est la Science, que le nombre de la surface est l’opinion, et que celui du solide est la Sensation[5].

C. Examinons maintenant l’harmonie, non celle qui est fondée sur les corps [qui résulte du mélange des éléments[6]], mais celle qu’on appelle l’harmonie mathématique [l’harmonie propre à l’essence qui est intermédiaire entre l’essence sensible et l’essence intelligible]

  1. Voy. Aristote, Métaphysique, I, 5. Voy. également ci-dessus, p. 125. note 2.
  2. Voy. Aristote, De l’Âme, I, 2, 4. Selon Simplicius (Comm. sur le Traité de l’Âme, fol. 6), dans cette définition de Xénocrate, l’âme est un nombre signifie que l’âme est une forme ; et qui se meut lui-même veut dire qui est divisible, parce que l’âme tient le milieu entre l’essence intelligible, qui est complètement indivisible, et l’essence sensible, qui est complètement divisible. Cette explication est empruntée à la doctrine de Plotin (Enn. IV, liv. II). Voy. aussi Proclus, Comm. sur le Timée, p. 190.
  3. Ce sont l’un, raison de l’unité, de l’identité et de l’égalité, et la dyade, raison de la divisibilité, de la diversité et de l’inégalité. Voy. Porphyre, Vie de Pythagore, § 48-51, éd. Westermann.
  4. Dans sa Vie de Pythagore (§ 81, 88), Jamblique dit qu’Hippasus avait étudié la doctrine des Pythagoriciens, mais qu’il appartenait à la classe des auditeurs : (ἀϰουσματιϰοὶ (akousmatikoi)), et non à celle des disciples (μαθηματιϰοὶ (mathêmatikoi)). Diogène Laërce (VII, 6) est un peu plus explicite sur ce philosophe : « Hippasus de Métaponte, pythagoricien, disait que le temps du changement du monde est déterminé, que l’univers est limité et se meut toujours. » Quant à l’expression de ϰριτιϰὸν ὄργανον (kritikon organon), elle s’applique à l’Âme du monde, comme celle de τὸ ἡγεμονιϰόν (to hêgemonikon) dans cette pensée de Philolaüs : τὸ δὲ ἡγεμονιϰόν έν τῷ μεσαιτάτῳ πυρὶ ὸπερ τρόπιος δίϰην προυπεϐάλλετο τῆς τοῦ παντὸς σφαίρας ὸ δημιουργὸς θέος (to de hêgemonikon en tô mesaitatô puri oper tropios dikên proupeballeto tês tou pantos sphairas ho dêmiourgos theos) (Stobée, Eclogœ phys., XXII, § 6, p. 452).
  5. Voy. Aristote, De l’Âme, I, 2 ; p. 113, trad. fr. Selon Simplicius (Comm. sur le Traité de l’Âme, f. 6), cette assertion de Platon signifie simplement que le monde intelligible contient les idées de toutes choses, parce que les anciens appelaient nombres les idées. Cette explication est empruntée à Plotin (Enn. VI, liv. VI).
  6. Voy. Plotin, Enn. VI, liv. VII, § 8 ; t. II, p. 460.