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TROISIÈME ENNÉADE.

sont pas soumis à l’homme, s’ils se défendent contre lui, qu’y a-t-il là d’étonnant[1] ?

X. Mais [dira-t-on], si les hommes ne sont méchants que malgré eux et involontairement[2], on ne saurait dire que ceux qui commettent des injustices et ceux qui les souffrent soient responsables [les uns de leur férocité et les autres de leur lâcheté[3]]. Si la méchanceté des premiers [ainsi que la lâcheté des autres] est produite nécessairement par le cours des astres ou par l’action d’un principe dont elle n’est que l’effet, elle s’explique par des causes physiques. Mais si c’est la Raison même de l’univers qui produit de pareilles choses, comment ne commet-elle pas là une injustice ?

Les actes injustes sont involontaires en ce sens seulement qu’on n’a point la volonté de commettre une faute ; mais cette circonstance n’empêche pas que l’on n’agisse spontanément[4]. Or, quand on agit spontanément, on est

  1. Voy. Philon, De la Providence (dans Eusèbe, Préparation évangélique, VIII, 14.)
  2. Selon Platon et les Stoïciens, le vice est involontaire. Voici comment Marc-Aurèle s’exprime à ce sujet : « C’est toujours malgré elle, dit Platon [dans le Sophiste et le Protagoras], qu’une âme est privée de la vérité. Par conséquent, c’est malgré elle qu’elle est privée de la justice, de la tempérance, de la bienveillance, des autres vertus. Tu dois continuellement te souvenir de ce principe ; cette pensée te rendra plus doux envers les autres hommes. » (Pensées, VII, § 63.)
  3. Voy. ci-dessus, § 8.
  4. « Quomodo voluntate quisque miseram vitam patitur, quum omnino nemo velit misere vivere ? Aut quomodo voluntate beatam vitam consequitur homo, quum tam multi miseri sint et beati omnes esse velint ? An eo evenit quod aliud est velle bene aut male, aliud mereri aliquid per bonam aut malam voluntatem ? Nam illi qui beati sunt, quos etiam honos esse oportet, non propterea sunt beati quia beate vivere voluerunt (nam hoc volunt etiam mali), sed quia recte, quod mali nolunt… Itaque, quum dicimus voluntate homines esse miseros, non ideo dicimus quod miseri esse velint, sed quod in ea voluntate sunt, quam etiam eis invitis miseria sequatur necesse est. » (S. Augustin, De Libero arbitrio, I, 14.)