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LIVRE HUITIÈME.

DE LA BEAUTÉ INTELLIGIBLE[1].

I. Puisque celui qui s’élève à la contemplation du monde intelligible, et qui conçoit la beauté de l’Intelligence véritable, peut aussi, comme nous l’avons reconnu, saisir par intuition le principe supérieur, le père de l’Intelligence, essayons de comprendre et de nous expliquer à nous-mêmes, autant que nos forces nous le permettent, comment il est possible de contempler la beauté de l’Intelligence et du monde intelligible. Figurons-nous deux marbres placés l’un à côté de l’autre, l’un brut et sans aucune trace d’art, l’autre façonné par le ciseau du sculpteur qui en a fait la statue d’une déesse, d’une Grâce ou d’une Muse, par exemple, ou bien celle d’un homme, non de tel ou tel individu, mais d’un homme dans lequel l’art aurait réuni tous les traits de beauté qu’offrent les divers individus. Après avoir ainsi reçu de l’art la beauté de la forme (εἴδους ϰάλλος (eidous kallos)), le second marbre paraîtra beau, non en vertu de son essence qui est d’être pierre (sinon, l’autre bloc serait aussi beau que lui), mais en vertu de la forme qu’il a reçue de l’art. Or celle-ci ne se trouvait pas dans la matière de la statue. C’était dans la pensée de l’artiste qu’elle existait avant de passer dans le marbre, et elle existait en lui, non parce qu’il avait des yeux et des mains, mais parce qu’il parti-

  1. Pour les Remarques générales, Voy. les Éclaircissements sur ce livre, à la fin du volume.