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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/34

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CINQUIÈME ENNÉADE, LIVRE IX.


(VII) Voilà pourquoi l’Intelligence divine a conçu et réalisé le monde tout entier d’un seul coup par le ministère de l’Âme universelle : car le monde est du commencement à la fin contenu et limité par les idées, et l’Intelligence, possédant les idées, possède à la fois les modèles, les formes et les essences de toutes les choses qui sont produites ici-bas.

(VII-IX) Le monde intelligible est le type de la Beauté parce qu’il est une forme et l’objet de la contemplation de l’Intelligence divine. C’est pourquoi, dans le Timée, Platon nous montre le Démiurge admirant son œuvre, afin de nous faire juger de la perfection du modèle par celle du monde sensible qui n’en est que l’image. En effet, dans le monde intelligible, chaque essence est distincte des autres sans en être séparée par aucune distance locale ; chacune est toutes les autres, parce qu’elle possède une puissance infinie ; enfin, chacune est parfaite, parce qu’en elle l’essence et la beauté ne forment qu’une seule et même chose.

(X-XI) Tel est le spectacle que contemplent Jupiter (l’Âme universelle) avec les dieux secondaires, les démons et les âmes supérieures. Dans cette contemplation sublime, celui qui contemple s’identifie avec l’objet qu’il contemple, et il possède toutes choses en renonçant à avoir conscience de lui-même pour ne pas demeurer distinct de Dieu.

(XII) Quand on a l’intuition de Dieu (c’est-à-dire de l’Intellect divin), on le voit engendrer un fils plein de beauté, dont la grandeur peut faire juger de celle de son père. Ce fils, qui est Jupiter, produit à son tour le monde sensible, œuvre aussi belle et aussi parfaite que le comporte sa nature : car il offre une image de l’essence et de la beauté, et, comme son modèle est éternel, il ne doit jamais cesser d’exister.

(XIII) Les mythes reconnaissent trois grands dieux, Cœlus, Saturne et Jupiter : Cœlus est l’Un absolument simple ; Saturne enchaîné est l’Intelligence immuable, type de la Beauté ; Jupiter est l’Âme universelle, qui mutile son père en scindant l’unité primitive, administre le monde sensible et tient sa beauté de Saturne.


LIVRE NEUVIÈME.
DE L’INTELLIGENCE, DES IDÉES ET DE L’ÊTRE.

(I-II) Comme les hommes, dès leur naissance, sont forcés d’accorder leur attention aux objets sensibles qui les entourent, il en est peu dont l’âme ait assez d’élévation naturelle pour sortir de cette sphère étroite et arriver à contempler l’intelligible. Pour y parvenir, il faut être porté à l’amour, être né véritablement philosophe. Grâce à cette heureuse disposition, on s’élève de la beauté du corps à celle de l’âme, et de la beauté de l’âme à celle de l’Intelligence, laquelle est l’image du Bien.

(III) Pour concevoir la nature de l’Intelligence, il faut savoir qu’elle contient