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SIXIÈME ENNÉADE.

La sixième Ennéade traite des deux premières hypostases divines, à savoir de l’Intelligence universelle et de l’Un.


LIVRE PREMIER.
DES GENRES DE L’ÊTRE, I.

(I) Il y a des opinions très-différentes sur le nombre des êtres et sur les genres qu’ils forment. Nous allons commencer par examiner la doctrine que les Péripatéticiens professent à ce sujet.

Critique des dix catégories d’Aristote.

(II-III) Les dix catégories d’Aristote ne sauraient s’appliquer également aux êtres intelligibles et aux êtres sensibles.

Pour commencer par la Substance, la substance intelligible et la substance sensible ne peuvent former un seul genre : car la seconde procède de la première. Ensuite, on ne voit pas bien ce qu’il y a de commun soit entre la matière, la forme et le composé, dont Aristote fait la catégorie de la substance, soit entre les substances premières et les substances secondes. La définition qu’on donne de cette catégorie est si vague qu’elle s’applique à tout.

(IV-V) La catégorie de la Quantité comprend le nombre ou quantité discrète, et l’étendue ou quantité continue. Cette théorie soulève plusieurs objections. D’abord, l’étendue n’est une quantité qu’à condition d’être évaluée par le nombre. Ensuite, pour le nombre lui-même, il faut distinguer le nombre intelligible et le nombre sensible ; le second seul est une quantité. Enfin, la parole, le temps et le mouvement ne sont des quantités que par accident.

(VI-IX) La catégorie de la Relation n’est pas assez nettement déterminée ; elle comprend des choses fort différentes. Dans certains cas, elle suppose quelque chose de réel dans les objets ; dans d’autres cas, elle paraît n’être qu’une simple conception de notre âme. Pour sortir de cette indétermination, il faut appeler relatives uniquement les choses qui doivent leur existence à leur corrélation, comme le double et la moitié, l’activité et la passivité. Leur réalité consiste soit dans une efficacité, dans un acte, comme la science, soit dans une participation à une forme, comme le double.

(X-XII) Le même vague se retrouve dans la catégorie de la Qualité, qui comprend la capacité et la disposition, la puissance physique, la qualité affective, la figure. Les différences qui distinguent les essences les unes des autres ne sauraient être appelées qualités que par homonymie. Les propriétés qui méritent vraiment le nom de qualités sont celles qui qualifient les choses et qui sont des puissances et des formes soit de l’âme, soit du corps. Par cette définition on comprend comment les impuissances et les défauts constituent des qualités : c’est que ce sont des dispositions et des formes imparfaites. Par là, on voit également qu’il est inutile de distinguer, comme le fait Aristote, quatre espèces de qualités. Enfin, par là on sépare nettement les qualificatifs des relatifs. — Outre toutes ces critiques, il en est encore une que l’on est en droit d’adresser à la doctrine d’Aristote, et qui s’applique à toutes ses catégories : c’est qu’il ne distingue pas le sensible d’avec l’intelligible; ici, par exemple, il réunit dans une même catégorie la qualité intelligible, qui est proprement l’essence, et la qualité sensible, qui seule doit porter le nom de qualité et qui consiste dans une disposition soit adventice, soit originelle.