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LIVRE QUATRIÈME.

la portée de la main ; cependant la main est limitée par son étendue propre et non par celle du corps qui est tenu et suspendu. Ajoutez au corps suspendu une autre longueur et admettez que la main puisse la porter, sa force tiendra le corps entier sans se diviser en autant de parties que lui. Supposez maintenant que la masse corporelle de la main soit anéantie, et laissez néanmoins subsister la même force qui se trouvait auparavant dans la main et soutenait le poids : est-ce que cette même force, indivisible dans le tout, ne sera pas également indivisible dans chaque partie ?

Figurez-vous un point lumineux qui serve de centre, et autour de lui une sphère transparente, de telle sorte que la clarté du point lumineux brille dans tout le corps qui l’entoure sans que l’extérieur reçoive aucune clarté d’ailleurs[1] : ne reconnaîtrez-vous pas que cette lumière intérieure, en demeurant impassible, pénètre toute la masse qui l’entoure, et que du point central dans lequel on la voit briller elle embrasse toute la sphère ? C’est que la lumière n’émanait pas du petit corps placé au centre : car ce petit corps ne répandait pas de lumière en tant que corps, mais en tant que corps lumineux, c’est-à-dire en vertu d’une puissance incorporelle[2]. Anéantissez maintenant par la pensée la masse du petit corps lumineux et conservez-en la puissance lumineuse : pourrez-vous dire encore que la lumière est quelque part ? Ne sera-t-elle pas également et dans l’intérieur et dans toute la sphère extérieure ? Vous n’apercevrez plus où elle était auparavant fixée et vous ne direz plus d’où elle vient ni où elle est : vous resterez à cet égard plongé dans l’incertitude et dans l’étonnement ; vous verrez la lumière briller à la fois dans l’intérieur et dans la sphère extérieure. Vous pouvez dire d’où rayonne

  1. Voy. la même comparaison dans l’Enn. IV, liv. III, § 17 ; t. II, p. 287-298.
  2. Pour l’exposition de cette théorie sur la lumière, Voy. Enn. IV, liv. V, § 7 ; t. II, p. 422.