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SIXIÈME ENNÉADE.

s’approchera de la parole. Supposez aussi que plusieurs yeux considèrent le même objet : tous sont remplis de sa vue, quoique cet objet occupe une place déterminée[1]. Ainsi le même objet fera éprouver des perceptions différentes à des organes différents, parce que l’un est un œil, et l’autre une oreille[2]. De même, toutes les choses qui peuvent participer à l’Âme y participent en effet, mais chacune reçoit d’un seul et même principe une puissance différente. Le son est présent partout dans l’air : ce n’est pas une unité divisée, mais une unité partout présente tout entière[3] ; de même, si l’air reçoit la forme de l’objet visible, il la possède sans division : car, en quelque endroit que l’œil se place, il perçoit la forme de l’objet visible (selon nous, du moins : car tous les philosophes n’admettent pas cette opinion[4]). Nous donnons ces exemples pour faire comprendre que plusieurs choses peuvent participer à un seul et même principe. Du reste, l’exemple du son suffit pour montrer avec évidence ce que nous voulons expliquer ici, à savoir, que la forme est tout entière présente dans l’air entier : car tous les hommes n’entendraient pas la même chose, si la parole

  1. Nous lisons avec M. Kirchhoff ἐν ἀφωρισμένῳ (en aphôrismenô) au lieu de ἐν ἀφωρισμένου (en aphôrismenou).
  2. Voy. Enn. IV, liv. III, § 3 ; t. II, p. 269. S. Augustin se sert aussi de cette comparaison en traitant cette question : « Et donationum quidem [Dei] dictæ sunt divisiones tanquam per partes et membra unius corporis, ubi et simul omnes unum templum, et singuli singula templa sumus ; quia non est Deus in omnibus quam in singulis major ; et fit plerumque ut plures eum minus capiant, unus amplius… Dividens ergo, non ipse divisus, quia ipse unus atque idem. Illæ vero divisiones dictæ sunt, sicut membrorum in corpore ; quia non idem valent aures quod oculi, atque ita membra cetera diversis officiis concorditer distributa : quæ tamen, quum sani sumus, una, neque diverse, nec alibi majore, alibi minore, sed, quum sint ipsa disparia, communi et parili salute congaudent. » (Lettre clxxxvii, § 20.)
  3. Voy. la même comparaison Enn. III, liv. VIII, § 8 ; t. II, p. 228.
  4. Voy. sur ce point Enn. IV, liv. V, § 3 ; t. II, p. 414-415.