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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/196

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Quant aux enfants, leur éducation, l’enseignement qu’ils recevaient en commun sous les mêmes maîtres, leurs exercices, leurs amusements, leurs repas, et en général ce qui peut contribuer à les former et à les polir, tout avait été réglé par Numa suivant les errements des législateurs ordinaires : la supériorité de Lycurgue en cela est donc frappante. Numa laissait aux pères la liberté d’élever leurs enfants au gré de leur caprice ou de leurs besoins ; d’en faire des laboureurs, des charpentiers, des forgerons, des joueurs de flûte : comme si, dès le premier âge, on ne devait pas diriger leur éducation vers une fin unique et former leurs mœurs ; comme s’ils n’étaient que des passagers embarqués dans un vaisseau, ne songeant chacun qu’à ses besoins, qu’à ses desseins particuliers, ne prenant part à l’intérêt général que dans les dangers, parce qu’alors ils craignent pour eux-mêmes, et n’ayant à cœur, tout le reste du temps, que leur intérêt propre. On doit pardonner au vulgaire des législateurs, quand ils se sont trompés par ignorance ou par faiblesse ; mais un homme que sa sagesse avait fait appeler à régner sur un peuple nouveau, et où il ne rencontrait aucune résistance, ne devait-il pas tout d’abord s’occuper de régler l’éducation des enfants et les exercices de la jeunesse, afin d’effacer les différences de mœurs, de corriger la turbulence des caractères, et de mettre un parfait accord entre des hommes jetés, dès la première enfance, dans le même moule de vertu, et façonnés sur un modèle unique ? C’est cette éducation commune, outre ses autres avantages, qui servit à Lycurgue pour la conservation des lois. Le serment n’eût été pour les Spartiates qu’un faible lien, si l’éducation et la discipline n’avaient fait pénétrer ses lois dans les mœurs des enfants ; s’il ne leur eût fait sucer, avec le lait, l’amour de ses institutions. Aussi la législation de Lycurgue, dans tout ce qu’elle avait de capital et de vraiment important, subsista-t-elle intacte,