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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/338

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plus saint et de plus révéré, dans les choses de la religion, et elles se seraient enfuies le long du Tibre. À ce moment, un plébéien, nommé Lucius Albinus, s’éloignait de Rome avec les autres fugitifs, emmenant sur un chariot ses enfants en bas âge, sa femme, et les ustensiles nécessaires. Dès qu’il aperçut ces vierges, portant dans leurs bras les choses saintes, marcher seules et sans aide, et déjà accablées par la fatigue, il fit descendre sa femme et ses enfants, ôta du chariot tous les ustensiles, et y fit monter les Vestales, afin qu’elles pussent gagner quelqu’une des villes grecques[1]. Cette piété d’Albinus, et l’hommage qu’il rendit à la divinité, dans une circonstance si périlleuse, ne m’ont point semblé indignes d’être transmis au souvenir des hommes.

Mais les prêtres des autres dieux, et les vieillards qui avaient été consuls, ou qui avaient obtenu le triomphe, ne purent se résoudre à quitter Rome. Ils se revêtirent chacun de ses habits sacrés et tout resplendissants, et ils se vouèrent en sacrifice pour leur patrie, par une prière dont ils répétaient les termes, après le grand-pontife Fabius ; et ensuite ils s’assirent, dans le Forum, sur leurs sièges d’ivoire, attendant le sort que les dieux leur réservaient.

Trois jours après la bataille, Brennus arriva devant Rome, avec son armée. Quand il vit les portes et les murailles sans gardes, il soupçonna d’abord quelque ruse, et il craignit une embuscade, ne pouvant croire que les Romains eussent pris le parti désespéré d’abandonner leur ville. Il s’assura bientôt que rien n’était plus vrai ; et il poussa son cheval par la porte Colline[2]. Il avait pris Rome un peu plus de trois cent soixante années après sa fondation, si toutefois on peut croire qu’il se soit conservé une connaissance exacte de ces temps anciens, lorsque l’on considère cette confusion chronologique

  1. Suivant Tite-Live, Albinus les conduisit à Céré en Étrurie.
  2. Près du mont Quirinal.