Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/401

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terrible combat naval s’engagea près de l’île de Tragia[1], et Périclès y remporta une brillante victoire ; car, avec quarante-quatre vaisseaux, il en défit soixante-dix, dont vingt portaient des troupes de débarquement.

Vainqueur, il poursuivit les Samiens jusque dans leur port, s’en empara, et mit le siège devant la ville. Les assiégés se défendirent avec intrépidité : ils ouvrirent leurs portes, et ils combattirent devant leurs remparts. Cependant Périclès, ayant reçu une flotte plus nombreuse que la première, bloqua entièrement la place ; puis, à la tête de soixante trirèmes, il quitta les parages de l’île, et il prit la mer pour aller, à ce que disent la plupart des historiens, au-devant d’une escadre qu’envoyaient les Phéniciens, alliés de Samos, car il voulait livrer la bataille le plus loin possible de l’île. Stésimbrote prétend que c’était pour faire une expédition contre Cypre ; ce qui ne paraît pas vraisemblable Quelle qu’ait été son intention, l’événement prouva qu’il avait tort ; car, pendant qu’il était éloigné, le philosophe Mélissus[2], fils d’Ithagénès, alors général des Samiens, méprisant le petit nombre des vaisseaux laissés au siège, ou bien l’inhabileté des hommes qui les commandaient, engagea ses concitoyens à tomber sur les assiégeants. Ils le firent, remportèrent la victoire, tuèrent à leurs ennemis beaucoup de monde, et coulèrent à fond plusieurs vaisseaux ; et, la mer ainsi rendue libre, ils firent entrer dans leurs murs des vivres et toutes les choses dont ils étaient privés auparavant, et dont ils avaient besoin pour soutenir le siège. Aristote dit que Périclès lui-même avait été déjà auparavant vaincu sur mer par Mélissus. Les Samiens rendirent aux prisonniers athéniens le même outrage qu’ils en avaient reçu : ils imprimèrent, sur le front de chacun d’eux, la figure d’une chouette, comme les Athéniens avaient

  1. Une des Sporades, à peu de distance de Samos.
  2. Il avait été disciple de Xénophane et de Parménide, et il compte parmi les hommes les plus distingués de l’école Éléatique.