Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/412

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Pourquoi frissonnes-tu à la vue de la copide[1],
Et te laisses-tu mordre par le brûlant Cléon ?

Cependant Périclès demeurait inébranlable ; et il supportait tranquillement, et sans y répondre, les injures et les attaques haineuses. Il envoya contre le Péloponnèse une flotte de cent vaisseaux ; et, au lieu de partir lui-même pour cette expédition, il demeura dans la ville, pour la tenir toujours dans sa main, jusqu’à ce que l’armée péloponnésienne se retirât. Toutefois, comme la guerre avait causé une irritation générale, il essaya de calmer les esprits par des distributions d’argent, et en faisant décréter le partage des terres conquises : tous les habitants d’Égine furent chassés de leur île ; des lots furent faits de leur territoire, et assignés par le sort à des Athéniens[2].

On avait une consolation aussi dans les maux que souffraient les ennemis. La flotte fit le tour du Péloponnèse, dévastant, saccageant la campagne, les villages et les petites villes ; et Périclès lui-même se jeta sur la Mégaride par terre, et la ravagea entièrement. Aussi est-il certain que ceux du Péloponnèse, s’ils avaient fait beaucoup de mal aux Athéniens, n’en avaient pas reçu moins eux-mêmes de la flotte athénienne, et qu’ils n’auraient pas continué une telle guerre, et n’auraient pas été longtemps sans y renoncer, comme Périclès l’avait prédit tout d’abord, si une puissance surnaturelle n’eût arrêté et renversé les calculs de la prudence humaine. D’abord une peste survint, qui moissonna la fleur et la force de la jeunesse, et qui atteignit également les corps et les âmes ; et tous s’aigrirent tellement contre Périclès, que, comme des malades que la fièvre porte à des excès contre leur médecin ou contre leur père, ils se laissèrent aller, contre lui, à l’injustice et aux mauvais traitements. Car ses

  1. Espèce de hache de combat.
  2. Les Éginètes rentrèrent plus tard en possession de leurs biens, et ils se rendirent même indépendants d’Athènes.