Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/59

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s’est presque partout conformé. Ce récit lui-même a des variantes ; mais il se ramène, en somme, à ce qui va suivre.

La succession des rois descendus d’Énée était arrivée aux mains de deux frères, Numitor et Amulius. Amulius fit de l’héritage deux parts : il mit d’un côté le royaume, et de l’autre l’argent comptant, avec l’or qu’on avait apporté de Troie. Numitor choisit le royaume. Amulius, devenu, par ses trésors, plus puissant que son frère, lui enleva facilement la couronne ; mais, craignant que la fille de Numitor ne mit au monde des enfants, il la fit prêtresse de Vesta, pour qu’elle ne se mariât point, et qu’elle usât ses jours dans la virginité. Les uns la nomment Ilia, d’autres Rhéa, et quelques-uns Silvia. Peu de temps après, elle se trouva enceinte, contrairement à la règle que la loi impose aux vestales. Antho, fille du roi, la préserva du dernier supplice, en intercédant pour elle auprès de son père ; mais Amulius, de peur qu’elle n’accouchât à son insu, l’enferma dans une étroite prison, où personne n’avait la liberté de la voir. Elle mit au monde deux jumeaux, grands et beaux à merveille. Alors Amulius, encore plus alarmé, chargea un de ses domestiques de les exposer. Il s’appelait, dit-on, Faustulus : selon d’autres, Faustulus est le nom de celui qui les recueillit. Le domestique, ayant mis les enfants dans un berceau, descendit vers le Tibre, pour les y jeter ; mais il vit le courant si enflé et si rapide, qu’il n’osa s’approcher : il les posa près du rivage, et se retira. L’eau finit par déborder ; et, soulevant doucement le berceau, elle le porta sur un terrain mou et uni, qu’on appelle aujourd’hui Cermanum, et qui se nommait autrefois Germanum, à raison, je crois, de ce que les Latins donnent le nom de germains aux frères de père et de mère. Il y avait, près de là, un figuier sauvage, qu’on