Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/123

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Laïus[1], mais dans ce qu’ont fait leurs législateurs. Ceux-ci voulaient calmer et adoucir, dès l’enfance, le naturel violent et immodéré des Thébains ; pour cela ils mêlèrent à tous les actes d’importance ou de plaisir le jeu de la flûte, et ils accordèrent à ceux qui jouaient de cet instrument des honneurs et des privilèges. Par les exercices du gymnase, ils nourrirent cet amour aux yeux de tous, et le firent servir à tempérer le caractère des jeunes gens. Aussi n’est-ce point sans raison qu’ils ont donné pour protectrice à leur ville la déesse que l’on dit née de Mars et de Vénus[2], persuadés qu’un peuple qui a le goût de la guerre et des combats, et qui sait le tempérer, l’allier et le mettre perpétuellement en accord avec la persuasion et les grâces, réunit, par cette harmonie, tous les principes du plus beau et du plus parfait des gouvernements.

Les hommes dont se composait ce bataillon sacré, Gorgidas les avait distribués dans les premiers rangs, et jetés en tête de l’infanterie tout entière. Mais, dans cet état, ils ne pouvaient faire voir tout ce qu’ils valaient ; et, ainsi dispersés et mêlés avec des troupes bien inférieures en courage, sinon peu nombreuses, ils perdaient l’effet qu’eussent produit leurs forces réunies. Pélopidas, témoin à Tégyre de ce que valait une telle troupe, parce que là ils combattaient tous ensemble et sans mélange d’autres hommes, ne les sépara ni ne les dispersa plus : il en fit un corps à part avec lequel il exécuta les charges les plus périlleuses. Des chevaux accouplés à un char courent plus vite que quand ils sont seuls ; et ce n’est point parce que lancés ensemble ils fendent l’air plus facilement à cause de leur nombre, mais parce qu’il y a comme

  1. Plutarque veut parler de l’amour infâme de Laïus pour Chrysippe, fils naturel de Pélops.
  2. Harmonie, qui fut, suivant la fable, l’épouse de Cadmus, roi de Thèbes.