Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/241

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pelle encore aujourd’hui le Tombeau du Chien[1]. En effet, il ne faut pas se servir des êtres animés comme on se sert de ses chaussures ou d’un ustensile, qu’on jette lorsqu’ils sont rompus ou usés par le service. On doit s’accoutumer à être doux et humain envers les animaux, ne fût-ce que pour faire l’apprentissage de l’humanité à l’égard des hommes. Pour moi, je ne voudrais pas vendre même mon bœuf laboureur, parce qu’il aurait vieilli ; à plus forte raison n’aurais-je pas le cœur d’exiler un vieux serviteur de la maison où il a vécu longtemps, et qui est comme sa patrie ; de l’arracher à son genre de vie accoutumé pour quelque monnaie que me vaudrait la vente d’un homme aussi peu utile à celui qui l’aurait acheté qu’à moi qui l’aurais vendu. Mais Caton semblait en faire gloire ; et il dit lui-même qu’il laissa en Espagne le cheval qu’il montait à la guerre pendant son consulat, afin de ne pas porter en compte à la république le prix de son transport par mer. Faut-il attribuer une telle façon d’agir à magnanimité ou à mesquinerie ? J’en laisse la décision au jugement du lecteur[2].

Caton, dans tout le reste, était d’une tempérance extraordinaire. Tant qu’il fut à la tête des armées, il ne prit jamais sur le public, pour lui et pour sa suite, plus de trois médimnes de froment par mois, avec un peu moins de trois demi-médimnes d’orge par jour pour les bêtes de charge. Nommé gouverneur de la Sardaigne, il n’imita pas l’exemple des préteurs qui l’avaient précédé : tous ils avaient foulé la province, en se faisant fournir, par les habitants, des tentes, des lits, des vêtements ; en

  1. Voyez la Vie de Thémistocle dans le premier volume.
  2. Le traité de Caton, de Re rustica, contient toutes ces prescriptions économiques dont Plutarque a parlé plus haut. L’esprit de ce traité est tout entier dans ces paroles : Patrem familias vendacem, non emacem esse oportet.