Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/263

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de jeunes chiens ou des poulains. Nul de ses esclaves n’entrait dans une maison étrangère, qu’il n’y fut envoyé par Caton ou par sa femme ; et, toutes les fois qu’on demandait à l’esclave ce que faisait son maître, il ne répondait autre chose sinon : « Je n’en sais rien. » Caton voulait qu’un esclave fût toujours occupé dans la maison, ou qu’il dormît. Il aimait à les voir dormir, parce qu’il les croyait plus maniables après que le sommeil aurait réparé leurs forces, et aussi plus propres à remplir les tâches qu’on leur donnait, que s’ils s’étaient tenus éveillés. Persuadé que rien ne portait plus les esclaves à mal faire que l’amour des plaisirs sensuels, il avait établi que les siens pourraient voir, en certain temps, les servantes de la maison, pour une pièce d’argent qu’il avait fixée, avec défense d’approcher d’aucune autre femme. Dans les commencements, lorsqu’il était encore pauvre et simple soldat, il trouvait bon tout ce qu’on servait sur sa table, et regardait comme une petitesse indigne de quereller un serviteur pour une affaire d’estomac. Plus tard, quand sa fortune se fut augmentée, et qu’il donnait des festins à ses amis et à ses collègues, il fouettait, avec une courroie, aussitôt après le repas, ceux qui avaient servi négligemment, ou mal apprêté quelque mets. Il avait soin d’entretenir toujours parmi ses esclaves des querelles et des divisions ; il se méfiait de leur bonne intelligence, et en craignait les effets. Si l’un d’eux avait commis un crime digne de mort, il le jugeait en présence de tous les autres ; et, s’il était condamné, le faisait mourir devant eux.

Il finit par devenir un peu âpre au gain, et ne vit plus guère dans le labourage qu’un objet d’amusement plutôt qu’une source de revenus : il plaça son argent sur des fonds plus sûrs et moins sujets à varier ; il acheta des étangs, des sources d’eaux chaudes, des lieux appropriés au métier des foulons, des terres fertiles en pâturages et en bois, en un mot des possessions d’un grand rapport,