Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/655

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furent envoyées en Espagne pour les commissions des courriers portaient le beau nom de Néron joint à celui d’Othon, mais qu’Othon, s’étant aperçu du déplaisir qu’en éprouvaient les plus gens de bien de Rome, avait cessé de le prendre.

Othon commençait ainsi à établir son empire, lorsque les soldats cherchèrent à l’inquiéter : sans cesse ils l’exhortaient à se tenir sur ses gardes, à éloigner de sa personne les hommes de marque, et à se défier d’eux, soit que l’affection qu’ils avaient pour Othon leur fit craindre pour ses jours, soit qu’ils ne cherchassent qu’un prétexte pour causer du trouble et des séditions. L’empereur avait ordonné à Crispinus de lui amener d’Ostie[1] la dix-septième cohorte, qui y était en garnison. Crispinus commençait, avant le jour, à faire charger les armes sur des chariots, lorsque les plus audacieux d’entre les soldats se mirent à crier qu’il n’était venu auprès d’eux que dans de mauvais desseins ; que le Sénat méditait quelque changement, et que ces armes étaient, non point pour César, mais contre César. Ces propos animent et irritent la plupart des soldats : les uns courent aux chariots et les arrêtent ; les autres se jettent sur les centurions, en tuent deux, et avec eux Crispinus lui-même, qui voulait s’opposer à cette violence ; puis, prenant leurs armes et s’encourageant mutuellement à voler au secours de l’empereur, ils marchent droit à Rome. Ils apprennent en arrivant que quatre-vingts sénateurs soupaient chez l’empereur : ils courent au palais, disant que c’était une occasion favorable pour exterminer d’un seul coup tous les ennemis de César.

La ville, menacée du pillage, était dans une mortelle inquiétude, et dans le palais on ne faisait qu’aller et venir ; Othon lui-même était dans la plus grande perplexité : il

  1. Ville du Latium, à l’embouchure du Tibre.