Page:Poètes Moralistes de la Grèce - Garnier Frères éditeurs - Paris - 1892.djvu/276

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
269
POÈME DE SIMONIDE D’AMORGOS

aucun charme, aucun agrément ; elle est inhabile à faire goûter les plaisirs de l’amour et n’est que dégoût pour son mari. Elle fait en cachette beaucoup de mal à ses voisins et souvent se nourrit, avant le sacrifice, des offrandes qui doivent être faites aux dieux.

Celle qui est née d’une fière cavale à la belle crinière dédaigne tout travail servile et ne se donne aucun mal ; elle se garderait bien de toucher au moulin ou au crible, de jeter les ordures hors de la maison, ou de s’asseoir auprès du fourneau, dans la crainte de la fumée ; c’est par nécessité qu’elle cède à son mari. Elle se baigne deux fois, souvent trois fois par jour et se couvre de parfums ; elle laisse flotter sur ses épaules son opulente chevelure qu’elle orne de fleurs. Une telle femme est un objet charmant pour les autres hommes, mais c’est un fléau pour son mari, à moins que celui-ci ne soit un prince ou un roi qui prenne plaisir à une telle parure.

Cette autre est née du singe, et c’est le plus vilain présent que Jupiter ait fait aux hommes ; elle est horriblement laide et, quand elle se promène dans la rue, fait rire tout le monde : sa tête remue à peine sur son cou trop court ; chez elle rien de charnu ; elle n’a que la peau sur les os. Malheureux le mari qui serre une telle femme dans ses bras ! Comme le singe, elle connaît toutes les ruses, tous les tours ; jamais elle ne sourit, jamais elle ne songe à bien faire. Elle n’a toute la journée qu’un souci, une préoccupation : chercher à causer le plus de mal possible.

Celle-ci est de la race de l’abeille : heureux celui qui l’a en partage. Seule elle ne mérite aucun reproche. Par elle la vie devient florissante et longue ; chère à son époux qu’elle chérit, elle vieillit avec lui et