Page:Poésies de Schiller.djvu/123

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« Je vois un flambeau qui brille ; mais ce n’est pas celui de l’hymen ; je vois une fumée qui monte vers les nuages, mais ce n’est pas celle des sacrifices ; je vois des fêtes qui se préparent, et dans mon esprit plein de craintes, j’entends le pas du Dieu qui jettera dans ces fêtes la douleur lamentable.

« Et ils se raillent de mes plaintes, et ils rient de mon anxiété. Il faut que je porte dans le désert mon cœur plein d’angoisses. Ceux-ci me repoussent, ceux-là se moquent de moi. Tu m’as imposé une lourde destinée, ô Apollon, Dieu sévère.

« Pourquoi m’as-tu chargée de proclamer tes oracles avec une pensée clairvoyante dans une ville aveugle ? Pourquoi me fais-tu voir ce que je ne puis détourner de nous ? Le sort qui nous menace doit s’accomplir, le malheur que je redoute doit arriver.

« Faut-il soulever le voile qui cache une catastrophe prochaine ? l’erreur seule est la vie ; le savoir est la mort. Reprends, oh ! reprends le don de divination sinistre que tu m’as fait. Pour une mortelle, il est affreux d’être le vase de la vérité.

« Rends-moi mon aveuglement ; rends-moi le bonheur de l’ignorance. Je n’ai plus chanté avec joie, depuis que tu as parlé par ma bouche. Tu m’as donné l’avenir, mais tu m’enlèves le présent, tu m’enlèves la félicité de l’heure qui s’écoule. Oh ! reprends ta faveur trompeuse.