Page:Poésies de Schiller.djvu/40

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vapeur dans les airs ! La colonne de feu roule en pétillant de distance en distance et grandit avec la rapidité du vent. L’atmosphère est brûlante comme la gueule d’un four ; les solives tremblent, les poutres tombent, les fenêtres éclatent, les enfants pleurent, les mères courent égarées, et les animaux mugissent sous les débris. Chacun se hâte, prend la fuite, cherche un moyen de salut. La nuit est brillante comme le jour, le seau circule de main en main sur une longue ligne, et les pompes lancent des gerbes d’eau ; l’aquilon arrive en mugissant et presse la flamme pétillante ; le feu éclate dans la moisson sèche, dans les parois du grenier, atteint les combles et s’élance vers le ciel, comme s’il voulait, terrible et puissant, entraîner la terre dans son essor impétueux. Privé d’espoir, l’homme cède à la force des Dieux et regarde, frappé de stupeur, son œuvre s’abîmer. Consumé, dévasté, le lieu qu’il occupait est le siège des aquilons, la terreur habite dans les ouvertures désertes des fenêtres, et les nuages du ciel planent sur les décombres.

L’homme jette encore un regard sur le tombeau de sa fortune, puis il prend le bâton de voyage. Quels que soient les désastres de l’incendie, une douce consolation lui est restée ; il compte les têtes qui lui sont chères : ô bonheur ! il ne lui en manque pas une.