Page:Poe - Contes inédits traduction William L. Hughes, Hetzel.djvu/151

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mençât par résister bravement à toutes les attaques dirigées contre sa bourse, la somme qu’on lui soutirait croissait en raison directe de la longueur du siége et de l’opiniâtreté de la résistance première. Personne ne faisait la charité d’une façon plus libérale ni avec plus mauvaise grâce.

Il professait le plus grand mépris pour les beaux-arts et surtout pour les belles-lettres. Il s’inspirait en cela de Casimir Perier, dont il citait à tout bout de champ l’impertinente petite question : « À quoi un poëte est-il bon ? » Il répétait cette phrase en français avec une prononciation des plus drolatiques et la donnait pour le nec plus ultra d’un argument logique. Aussi mes relations avec les muses ne m’avaient-elles pas valu ses bonnes grâces. Il m’affirma un jour, au moment où je le priai de me faire cadeau d’un nouvel exemplaire d’Horace, que le Poeta nascitur non fit devait se traduire : « A nasty poet for nothing fit[1] » — plaisanterie qui me mit de fort mauvaise humeur. Depuis quelque temps surtout, une passion soudaine et fortuite pour ce qu’il appelait les sciences exactes était venue accroître sa répugnance pour les belles-lettres. Un étranger l’avait accosté par hasard dans

  1. Un sale poëte, bon à rien, calembour par onomatopée. — (Note du traducteur.)