Page:Poe - Contes inédits traduction William L. Hughes, Hetzel.djvu/201

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bien que j’eusse ressenti une surprise extrême ; car une certaine faiblesse ou plutôt une certaine émotion chevrotante de la voix, que j’avais cru remarquer dans sa conversation ordinaire, m’avait donné à craindre qu’elle ne fût pas une chanteuse de première force.

Notre causerie fut longue, animée, ininterrompue et d’un abandon sans réserve. Eugénie me fit raconter les premiers incidents de ma vie et écouta avec le plus vif intérêt jusqu’aux moindres paroles de mes confidences. Je ne lui cachai rien, je sentais que je n’avais pas le droit de rien cacher à sa tendresse confiante. Encouragé par la candeur qu’elle avait montrée sur un chapitre aussi délicat que celui de son âge, non-seulement je reconnus, avec une parfaite franchise, mes nombreux petits défauts, mais je confessai ces infirmités morales et même physiques dont l’aveu exige plus de courage et devient une preuve d’amour d’autant plus éclatante. Je passai en revue mes folies d’étudiant, mes prodigalités, mes excès, mes dettes, mes amourettes. J’allai même jusqu’à parler d’une toux sèche qui m’avait inquiété autrefois, d’un rhumatisme chronique, de quelques élancements de goutte héréditaire, et, en dernier lieu, de la faiblesse désagréable et incommode de ma vue, que jusqu’alors j’avais soigneusement cachée.