Page:Poe - Contes inédits traduction William L. Hughes, Hetzel.djvu/53

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diminué. Il parla peu, d’un ton chagrin et avec une sorte d’effort. J’essayai de l’égayer par diverses plaisanteries. Il s’efforça de sourire ; mais son sourire faisait mal à voir. Pauvre garçon ! En songeant à sa femme, je m’étonnai qu’il pût même simuler la gaieté. Enfin, je résolus de porter le grand coup. Mon intention était d’arriver, par une suite d’insinuations voilées, à lui démontrer que je n’étais pas tout à fait dupe et victime de sa charmante petite mystification. Je dis quelque chose à propos de la forme bizarre de cette caisse ; puis je souris d’un air narquois en clignant de l’œil et en lui touchant doucement les côtes avec mon index.

La façon dont il accueillit mon innocente raillerie me prouva à l’instant même qu’il avait perdu la raison. Il me regarda d’abord avec de grands yeux interrogateurs ; on eût dit qu’il cherchait à saisir le sel de ma plaisanterie ; puis, lorsqu’il parut enfin comprendre le sens de mes paroles, ses yeux semblèrent sortir de leur orbite. Il devint très-rouge, puis d’une pâleur effrayante ; puis tout à coup, comme si mes allusions indirectes l’eussent amusé au dernier point, il abandonna mon bras et se laissa aller à un fou rire, dont les éclats, à ma grande stupeur, se prolongèrent avec une force toujours croissante pendant près de dix