Page:Poe - Derniers Contes.djvu/175

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par devenir un génie. J’y réussis parfaitement du premier coup, et le temps aidant, je me trouvai à dix-huit ans faisant de grandes et profitables affaires dans la carrière d’annonce ambulante pour tailleur.

Je n’étais arrivé à remplir les onéreux devoirs de cette profession qu’à force de fidélité rigide à l’instinct systématique qui formait le trait principal de mon esprit. Une méthode scrupuleuse caractérisait mes actions aussi bien que mes comptes. Pour moi, c’était la méthode — et non l’argent — qui faisait l’homme, au moins tout ce qui dans l’homme ne dépendait pas du tailleur que je servais. Chaque matin à neuf heures, je me présentais chez lui pour prendre le costume du jour. À dix heures, je me trouvais dans quelque promenade à la mode ou dans un autre lieu d’amusement public. La régularité et la précision avec lesquelles je tournais ma charmante personne de manière à mettre successivement en vue chaque partie de l’habit que j’avais sur le dos, faisaient l’admiration de tous les connaisseurs en ce genre. Midi ne passait jamais sans que j’eusse envoyé une pratique à la maison