Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/133

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le ministre la tient en son pouvoir. C’est elle maintenant qui le tient, puisqu’il ignore que la lettre n’est plus chez lui, et qu’il va vouloir procéder à son chantage habituel. Il va donc infailliblement opérer lui-même et du premier coup sa ruine politique. Sa chute ne sera pas moins précipitée que ridicule. On parle fort lestement du facilis descensus Averni ; mais, en matière d’escalades, on peut dire ce que la Catalani disait du chant : il est plus facile de monter que de descendre. Dans le cas présent, je n’ai aucune sympathie, pas même de pitié pour celui qui va descendre. D…, c’est le vrai monstrum horrendum, — un homme de génie sans principes. Je vous avoue, cependant, que je ne serais pas fâché de connaître le caractère exact de ses pensées, quand, mis au défi par celle que le préfet appelle une certaine personne, il sera réduit à ouvrir la lettre que j’ai laissée pour lui dans son porte-cartes.

— Comment ! est-ce que vous y avez mis quelque chose de particulier ?

— Eh mais ! il ne m’a pas semblé tout à fait convenable de laisser l’intérieur en blanc, — cela aurait eu l’air d’une insulte. Une fois, à Vienne, D… m’a joué un vilain tour, et je lui dis d’un ton tout à fait gai que je m’en souviendrais. Aussi, comme je savais qu’il éprouverait une certaine curiosité relativement à la personne par qui il se trouvait joué, je pensai que ce serait vraiment dommage de ne pas lui laisser un indice quelconque. Il connaît fort bien mon écriture, et