Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

diverses directions et donnaient à la scène un caractère de solennité plus lugubre.

La plate-forme naturelle sur laquelle nous étions grimpés était si profondément encombrée de ronces, que nous vîmes bien que, sans la faux, il nous eût été impossible de nous frayer un passage. Jupiter, d’après les ordres de son maître, commença à nous éclaircir un chemin jusqu’au pied d’un tulipier gigantesque qui se dressait, en compagnie de huit ou dix chênes, sur la plate-forme, et les surpassait tous, ainsi que tous les arbres que j’avais vus jusqu’alors, par la beauté de sa forme et de son feuillage, par l’immense développement de son branchage et par la majesté générale de son aspect. Quand nous eûmes atteint cet arbre, Legrand se tourna vers Jupiter, et lui demanda s’il se croyait capable d’y grimper. Le pauvre vieux parut légèrement étourdi par cette question, et resta quelques instants sans répondre. Cependant, il s’approcha de l’énorme tronc, en fit lentement le tour et l’examina avec une attention minutieuse. Quand il eut achevé son examen, il dit simplement :

— Oui, massa ; Jup n’a pas vu d’arbre où il ne puisse grimper.

— Alors, monte ; allons, allons ! et rondement ! car il fera bientôt trop noir pour voir ce que nous faisons.

— Jusqu’où faut-il monter, massa ? demanda Jupiter.

— Grimpe d’abord sur le tronc, et puis je te dirai quel chemin tu dois suivre. — Ah ! un instant ! — prends ce scarabée avec toi.