Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/29

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« J’ai appris ce matin la mort de mon bien-aimé Eddie… Pouvez-vous me transmettre quelques détails, quelques circonstances ?… Oh ! n’abandonnez pas votre pauvre amie dans cette amère affliction… Dites à M. … de venir me voir ; j’ai à m’acquitter envers lui d’une commission de la part de mon pauvre Eddie… Je n’ai pas besoin de vous prier d’annoncer sa mort, et de parler bien de lui. Je sais que vous le ferez. Mais dites bien quel fils affectueux il était pour moi, sa pauvre mère désolée… »

Cette femme m’apparaît grande et plus qu’antique. Frappée d’un coup irréparable, elle ne pense qu’à la réputation de celui qui était tout pour elle, et il ne suffit pas, pour la contenter, qu’on dise qu’il était un génie, il faut qu’on sache qu’il était un homme de devoir et d’affection. Il est évident que cette mère — flambeau et foyer allumé par un rayon du plus haut ciel — a été donnée en exemple à nos races trop peu soigneuses du dévouement, de l’héroïsme, et de tout ce qui est plus que le devoir. N’était-ce pas justice d’inscrire au-dessus des ouvrages du poëte le nom de celle qui fut le soleil moral de sa vie ? Il embaumera dans sa gloire le nom de la femme dont la tendresse savait panser ses plaies, et dont l’image voltigera incessamment au-dessus du martyrologe de la littérature.


III


La vie de Poe, ses mœurs, ses manières, son être physique, tout ce qui constitue l’ensemble de son personnage, nous apparaissent comme quelque chose de ténébreux et de brillant à la fois. Sa personne était singulière, séduisante et,