Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/320

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L’aspect de l’Océan, dans l’étendue comprise entre le rivage et l’île la plus éloignée, avait quelque chose d’extraordinaire. En ce moment même, il soufflait du côté de la terre une si forte brise, qu’un brick, tout au large, était à la cape avec deux ris dans sa toile et que sa coque disparaissait quelquefois tout entière ; et pourtant il n’y avait rien qui ressemblât à une houle faite, mais seulement, et en dépit du vent, un clapotement d’eau, bref, vif et tracassé dans tous les sens ; — très-peu d’écume, excepté dans le voisinage immédiat des rochers.

— L’île que vous voyez là-bas, reprit le vieux homme, est appelée par les Norvégiens Vurrgh. Celle qui est à moitié chemin est Moskoe. Celle qui est à un mille au nord est Ambaaren. Là-bas sont Islesen, Hotholm, Keildhelm, Suarven et Buckholm. Plus loin, — entre Moskoe et Vurrgh, — Otterholm, Flimen, Sandflesen et Stockholm. Tels sont les vrais noms de ces endroits ; — mais pourquoi ai-je jugé nécessaire de vous les nommer, je n’en sais rien, je n’y puis rien comprendre, — pas plus que vous. — Entendez-vous quelque chose ? Voyez-vous quelque changement sur l’eau ?

Nous étions depuis dix minutes environ au haut de Helseggen, où nous étions montés en partant de l’intérieur de Lofoden, de sorte que nous n’avions pu apercevoir la mer que lorsqu’elle nous avait apparu tout d’un coup du sommet le plus élevé. Pendant que le vieux homme parlait, j’eus la perception d’un bruit très-fort et qui allait croissant, comme le mugisse-