Page:Poe - Nouvelles Histoires extraordinaires.djvu/85

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Je fuyais en vain. Ma destinée maudite m’a poursuivi, triomphante, et me prouvant que son mystérieux pouvoir n’avait fait jusqu’alors que de commencer. À peine eus-je mis le pied dans Paris, que j’eus une preuve nouvelle du détestable intérêt que le Wilson prenait à mes affaires. Les années s’écoulèrent, et je n’eus point de répit. Misérable ! — À Rome, avec quelle importune obséquiosité, avec quelle tendresse de spectre il s’interposa entre moi et mon ambition ! — Et à Vienne ! — et à Berlin ! — et à Moscou ! Où donc ne trouvais-je pas quelque amère raison de le maudire du fond de mon cœur ? Frappé d’une panique, je pris enfin la fuite devant son impénétrable tyrannie, comme devant une peste, et jusqu’au bout du monde j’ai fui, j’ai fui en vain.

Et toujours, et toujours interrogeant secrètement mon âme, je répétais mes questions : « Qui est-il ? — D’où vient-il ? — Et quel est son dessein ? » Mais je ne trouvais pas de réponse. Et j’analysais alors avec un soin minutieux les formes, la méthode et les traits caractéristiques de son insolente surveillance. Mais là encore, je ne trouvais pas grand’chose qui pût servir de base à une conjecture. C’était vraiment une chose remarquable que, dans les cas nombreux où il avait récemment traversé mon chemin, il ne l’eût jamais fait que pour dérouter des plans ou déranger des opérations qui, s’ils avaient réussi, n’auraient abouti qu’à une amère déconvenue. Pauvre justification, en vérité, que celle-là, pour une autorité si impérieusement usurpée ! Pauvre indemnité pour ces droits naturels de libre arbitre si opiniâtrement, si insolemment déniés !

J’avais aussi été forcé de remarquer que mon bourreau, depuis un fort long espace de temps, tout en exerçant scrupuleusement et avec une dextérité miraculeuse cette manie de toilette identique à la mienne, s’était toujours arrangé, à chaque fois qu’il posait son intervention dans ma volonté, de manière que je ne pusse voir les traits de sa face. Quoi que pût être ce