Page:Poictevin - Ludine, 1883.djvu/82

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impression de terreur. Les oliviers avec leur teinte d’un blanc indéterminé, leur petit bruit froissé, leur tremblement continu, lui faisaient peur. Mais ce bras pris à Hardy, bien vite elle le quittait et comme avec un pardon demandé de cette sensation stupide. Et recommençaient plus vivement les rires, les implacables aperçus sur la vie. De cette préoccupation, elle détestait de parler. Rien ne l’eut blessée comme de la supposer susceptible de telles idées. Elle les refoulait en elle. Aussi grandissaient-elles enracinées, fixes, à son insu.

Cet homme ne lui demandait rien. Il semblait content de causer avec elle de tout. Il était désintéressé lui, sincère, spirituel… Mais elle s’imaginait, du même coup, qu’elle ne pouvait l’avoir à elle, vivre avec lui. Ça rentrerait dans le commun, alors. Elle serait sa maîtresse, ce qui ne serait plus drôle. Non, sa valeur, son originalité, à lui, consistaient en ce qu’il parût l’aimer en vrai ami, pour lui causer tout franchement… Et l’attitude presque garçonnière de Ludine avec lui déterminait leurs rapports à ne point varier de cette ligne spéciale. Ce qu’on remarquait très bien entre eux, c’étaient leurs manières froides ; on aurait parfois cru qu’ils se détestaient même. Et dans cette toute extérieure gouaillerie se nouait leur attraction réciproque.