Page:Poictevin - Songes, 1887-1888.djvu/10

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Dans ces intervalles de silence, les dominos brassés avait des claquements de castagnettes. Les gamines guettent l’aiguille de l’horloge ; pour pouffer, elles attendent que la sonnerie couvre leurs rires.

Le trou des Gangônes, les fées souterraines, avec des pierres autour… Et au-dessus, à un château, détruit il y avait des siècles, comme les laveuses là avaient été arrêtées alors dans leur besogne, que depuis elles continuaient nuitamment de battre leur linge — des vieux les avaient entendues — les dames vertes venaient les consoler… Ce qui peut-être frappait le plus l’enfant, c’était de passer près d’une source. Un peu vite, ses nattes châtain nouées de faveurs noirs sautelant sur le dos, elle allait, épeurée et retenue par le charme. Les mouches, les abeilles bourdonnaient ; le petit ruisseau coulait aussi fort qu’une cascade, les cris-cris essourillaient. Aujourd’hui encore, cette source, elle ne l’a pas oubliée. C’était la Vouivre que, si elle ne l’a pas vue, elle y a sentie, la Vouivre qui ne rampe ni ne vole, qui plane couleur des prés et de la lune, sorte de serpent à un seul œil surmonté d’un diamant. Avant de boire, toujours elle le dépose, ce diamant, de crainte qu’il tombe dans la source ; car, si elle cessait d’être aveuglante, elle pourrait être prise. Cette Vouivre, Lice ne finira pas d’y croire.

Et ce nom de Vouivre, les gens au village le donnaient à une certaine Lidivine, par diminutif Divine, à la flambée des yeux dans la face lubrifiée, aux mouvements pour ainsi dire à ressorts et qui vous comprimaient. Cette cossue marchande de légumes, de fruits nouveaux, en route par beau ou mauvais temps entre les deux grandes villes, Licette la voyait peu, jamais ne lui parlait, elle avait seulement entendu sa voix sèche, brève, sonnant comme un verre fêlé. Elle pensait que ce devait être une amie de la Vouivre, qu’elle lui faisait des services…

De sa première communion, elle se rappelle comme ça l’ennuyait. Quand on l’a faite, on est tenue à être une fille sérieuse, à apprendre. Elle aurait voulu rester au temps de gaminerie. Dans cette journée, elle se revoit, l’œil cherchant à fixer dans les côtés de son voile de tulle un effet de moire, à ne pas perdre ce pli.

Dans son livre de prières, elle remarquait les gravures. Dieu le Père, elle y voyait un vieillard ; Dieu le Fils, un crucifié ; le Saint-Esprit, une colombe. Sa pensée toute simple n’allait pas au-delà. Selon le catéchisme, ces trois n’étaient qu’un seul Dieu, un Esprit. Un esprit, c’était un souffle, c’était de l’air. Enfin, elle sentait qu’elle allait barboter. Alors comment pouvait-on mettre Dieu en images ? Voilà tout au plus ce que fugitivement elle se demandait, avec sa disposition moqueuse. Et malgré toute la définition de Dieu par le