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LE LENDEMAIN D’AGADIR

dans un de ses meilleurs jours. Il luttait courageusement contre de violentes douleurs physiques. 11 trouva cependant le moyen de passionner, de nouveau, contre le traité une partie de l’Assemblée.

Il commença par proclamer sa confiance dans le cabinet. Il aurait voulu, disait-il, être convaincu par moi, mais il ne l’avait pas été. « A mon avis, ajout ait-il, dans l’histoire déjà longue et trop mouvementée de l’Allemagne et de la France au Maroc, l’accord du 4 novembre n’est qu’une halte d’un jour. Des négociations obscures ont conduit, par des phases mystérieuses, à l’enfantement d’une sorte de monstre diplomatique, qui n’est pas sans analogie avec ce fameux cheval de Troie, qui était une offrande à la paix et qui retentissait du son des armes. » M. Clemenceau reconnaissait que notre marche sur Fez avait été commandée par la nécessité de sauver les Européens menacés, mais il reprochait à M. Caillaux de s’être ensuite laissé tenter par l’ambition d’établir immédiatement notre protectorat au Maroc ; il l’accusait d’avoir prodigué les concessions à l’Allemagne parce qu’elle faisait miroiter à ses yeux la possibilité de donner à la France un grand empire africain ; il le blâmait d’avoir consenti à traiter sous le canon d’Agadir. Il croyait dangereux de précipiter notre installation au Maroc. « Nous allons payer très cher pour avoir tout de suite le Maroc, puis nous ne pourrons pas le prendre. Si nous allons à Taza, nous courons le risque d’être entraînés dans une aventure. » Après avoir ainsi poussé les choses au noir, M. Clemenceau évoquait, dans un magnifique tableau d’ensemble, l’histoire de nos relations avec l’Allemagne. Il rappelait que l’empire des Hohenzollern tendait de plus en plus à la