Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 1, 1926.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
87
L’ALLEMAGNE ET LE MAROC

République[1], que j’avais toujours été pacifique et que je m’étais efforcé d’éviter la guerre[2].

Je ne fais aucune difficulté de lui rendre la même justice. Nos relations n’ont pas cessé d’être confiantes. Je crois avoir été, l’année suivante, le seul président de la République qui eût, avant 1914, accepté une invitation à dîner chez un ambassadeur d’Allemagne. Quand j’ai cru bon de rompre avec une vieille habitude d’abstention, le protocole m’a paru un peu déconcerté. Mais l’empressement avec lequel j’avais été reçu à l’hôtel de la rue de Lille, pendant que j’étais président du Conseil, me faisait un devoir agréable de ne pas désobliger M. de Schœn, qui remplissait avec tact une mission souvent délicate.

Malheureusement, pendant tout le cours de 1912, notre bonne volonté mutuelle n’empêchait pas les incidents de se succéder au Maroc et de me valoir, à chaque instant, de nouvelles démarches du gouvernement impérial. L’Allemagne soutenait obstinément les demandes de ses ressortissants. Il lui était assez indifférent qu’ils eussent tort ou raison. Elle abusait surtout contre nous de la survivance de l’ancien régime consulaire. Un jour, c’étaient des protégés allemands qui s’étaient engagés dans la légion étrangère et que revendiquait néanmoins l’Empire. J’invoquais les droits de la liberté individuelle ; je me référais aussi à l’article 12 du traité du 4 novembre, qui obligeait l’Allemagne à réviser les listes de ses protégés, scandaleusement grossies et surchargées. M. de Schœn me répondait par un rire de bonne humeur

  1. Documents belges.
  2. V. Basler Nachrichten, 5 janvier 1922, n° 7.