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LA VICTOIRE

Clemenceau me demande de communiquer de nouveau les impressions que j’ai rapportées de mon voyage à Doullens. Il y ajoute les siennes. Il était inquiet pour la partie du front entre Moreuil et la Somme et il avait trouvé que Foch, n’ayant pas relevé les troupes de Rawlinson, avait pu compromettre la sécurité de ce secteur. Il l’a fait venir à Dury où il se trouvait lui-même auprès de Rawlinson et sans lui donner, assure-t-il, un ordre positif, il lui a conseillé d’appuyer les Anglais par la division que nous avions en réserve et que Foch ne voulait pas engager.

Après les observations de Clemenceau, Stephen Pichon balbutie quelques mots au sujet des affaires étrangères, mais il ne donne, en réalité, aucun renseignement utile sur quoi que ce soit. Le Conseil est tenu dans l’ignorance complète de l’action diplomatique.

Clemenceau, qui a rendez-vous avec Winston Churchill, part à midi et le Conseil se poursuit sans lui, pendant une demi-heure, pour l’expédition des affaires courantes.

Est-ce un canon, sont-ce des canons qui continuent à tirer sur Paris ? Trois obus, dont l’un rue de l’École-de-Médecine, viennent encore de tomber sur la ville. Loucheur et Leygues m’ont dit que nous aurions nous-mêmes pour juillet un canon de 380 tirant à 70 et même à 100 kilomètres. L’après-midi, avec Loucheur, visite des usines Renault. Accueil très courtois des ouvriers. Visite des aéroplanes Breguet (moteur Renault) qui sortent maintenant en série. Visite à l’atelier des petits tanks Renault et expérimentation d’un de ces tanks sur un terrain très accidenté, préparé dans les cours des usines.

Les ouvriers et les ouvrières suivent les expériences avec un intérêt passionné. M. Renault me dit que leur état d’esprit est bien meilleur