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LA VICTOIRE

confère à Foch les pouvoirs nécessaires pour assurer la réalisation de la coordination et elle lui confie la direction stratégique de la guerre. Les généraux en chef conservent dans sa plénitude la direction tactique de leurs armées. Ils peuvent en référer à leurs gouvernements respectifs s’ils estiment que les directives du général Foch mettent leurs armées en péril. Sans doute la frontière entre la stratégie et la tactique n’est pas aisée à fixer. On m’a chicané là-dessus et Foch, qui a voulu s’expliquer, a été obscur et confus. Mais enfin le résultat obtenu n’est pas moins satisfaisant. Lloyd George a voulu que le papier fût signé par les généraux. Il l’a été par Foch, Haig, Pershing et Pétain. Pétain, je ne sais pourquoi, après avoir accepté, ne voulait plus signer. J’ai dû le lui demander formellement. À la fin, tout le monde a été d’accord et l’on s’est séparé très contents. Lloyd George m’a dit que j’étais nécessaire à son bonheur et que chaque fois que j’aurais besoin de lui, il traverserait le Détroit. Il m’a consulté sur la conscription en Irlande. Je lui ai dit qu’à mon sens, l’Angleterre était la force vive de l’Empire britannique et que l’Angleterre ne pouvait être satisfaite de verser son sang pendant que l’Irlande se croiserait les bras. J’ai ajouté qu’en général l’esprit humain exagérait les obstacles que rencontreraient ses entreprises et je l’ai prié de réfléchir sur ces vérités. »

Clemenceau me parle ensuite du discours dans lequel Czernin a prétendu qu’il lui avait fait demander ses conditions de paix et que sur la réponse que l’Alsace-Lorraine ne pouvait nous être rendue, Clemenceau avait voulu continuer la guerre. Le président du Conseil me dit : « J’ai simplement répondu que Czernin avait menti. Jamais je ne lui ai demandé ni fait demander les conditions de paix de l’Autriche. »