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LE RECOURS EN GRACE DE BOLO

l’impossibilité de lui donner des conseils utiles. Je lui réponds que le rejet de la grâce est inévitable et ne peut être retardé, mais que si Bolo faisait ensuite des révélations, il appartiendrait à la justice militaire de surseoir à l’exécution, si elle le jugeait utile, et qu’après cela une confrontation pourrait ouvrir à Bolo un nouveau droit à demande de révision ou à recours en grâce ; tout cela, bien entendu, sans aucune promesse possible de la part de qui que ce soit.

Me Salle parti, je fais venir Ignace et je lui rapporte, comme j’en ai prévenu le bâtonnier, les grandes lignes de cette conversation. Ignace décide de se mettre d’accord avec Nail pour faciliter un entretien de l’avocat et du condamné cet après-midi.

Clemenceau m’a dit tantôt : « J’ai répondu à Orlando qu’il pouvait nous envoyer des divisions italiennes, qu’elles seraient les bienvenues. On ne pourra, en effet, constituer une armée de réserve pour Foch que s’il commande aussi sur le front italien. Lloyd George m’a télégraphié qu’il n’était pas de cet avis. Je lui ai répondu en insistant et à Orlando, j’ai répété que ces divisions seraient les bienvenues. — Moi : N’avez-vous pas vu Barrère ? Ne vous a-t-il pas indiqué que, comme moi, il redoutait la présence des Italiens en France ? Cela nous coûtera les yeux de la tête. — Rassurez-vous, ils ne viendront pas, ce sont de bien drôles de gens. Ces jours-ci, ils montraient à Baker, ministre américain, la route de Caporetto, en disant : « Vous voyez ; ici, à Caporetto, nous avons reculé beaucoup moins que les Français. »

À sept heures, Ignace arrive, très content. Me Salle a vu Bolo pendant une heure et demie, seul à seul, et l’a péniblement décidé à parler. Bolo disait : « Je ne veux pas finir ma vie par une